La matinée s'était jusqu'à présent plutôt bien déroulée, pas de débordements à signaler, pour l'instant, ça change un peu de d'habitude où elles sortent à peine du lit et commencent déjà à se taper dessus. Des brutes, ces femmes sont vraiment des brutes. Certains l'étaient avant d'arriver, quand d'autres le sont devenues à force d'en côtoyer, et c'est bien dommage. Mais la prison ça vous change. Enfin, moi je n'y suis pas enfermé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, alors je ne peux sans doute pas vraiment m'en rendre compte, hm. Enfin bref, je suis plutôt soulagé de n'avoir rien eu de particulier à faire ce matin, c'est calme. Là j'en surveille qui ont droit à leur pause à l'extérieur, pour se dégourdir les jambes un moment. Je ne suis pas vraiment au courant des trucs importants, je n'y ai pas spécialement fait attention en arrivant, mais je crois bien qu'on ramène une détenue du trou. Il parait que c'est pire que tout le reste ici. Mais comme je n'y ai jamais été enfermé, je ne saurais dire si c'est la vérité ou une simple légende que toutes les détenues s'amusent à entretenir du mieux qu'elles le peuvent pour faire peur aux petites nouvelles et leur faire comprendre qu'il vaut mieux qu'elles se tiennent à carreaux si elles ne veulent pas aller y faire un petit séjour. J'aperçois la camionnette qui approche dans l'allée. Je me dirige vers le véhicule, près à récupérer celle qui en sortira. Je n'ai aucune idée de qui ça peut bien être. Elles ne restent jamais le même temps là-bas. Parfois, ce n'est qu'une journée, d'autres, c'est carrément une semaine, ça varie en fonction du nombre de fois où elles y sont déjà allées, de la gravité de ce qu'elles ont fait pour s'y retrouver. Je pourrais donc tomber sur n'importe laquelle de ces dames. Et je sais bien qu'il y a de grandes chances pour que ce soit une de celles que j'ai moi-même envoyé "en enfer" comme elles disent. Elles me saoulent tellement toutes en ce moment que je leur colle des avertissements à toutes les sauces, pour tout et n'importe quoi. En même temps, on n'est pas là pour devenir ami, je fais régner l'ordre, ou du moins, j'essaye de le faire du mieux que je peux, elles sont là pour purger leur peine, et j'espère n'en revoir aucune à l'extérieur une fois qu'elles sont sorties. Ce n'est pas que je ne les aime pas parce que ce sont des criminelles, simplement des femmes et en ce moment j'en ai un peu par-dessus la tête de la gente féminine, hm. Je suis rapidement arrivé à hauteur du van, je salue la rapidement la conductrice, une vieille détenue assez sympathiques, même s'il ne faut tout de même pas trop que j'en fasse. J'ouvre la portière, et tombe nez à nez avec la détenue qu'on ramène. Grey. Ah, ouais, c'est vrai que je l'avais envoyée au trou celle-là. Je me disais aussi que c'était bien trop tranquille aujourd'hui, parce qu'elle n'était pas là pour m'emmerder, naturellement. « Déjà de retour ? J'espère que ça t'a calmée. » Que je lui lance d'un air dédaigneux en m'éloignant pour la laisse passer devant moi. Je doute qu'elle se soit réellement calmée pour de bon, mais peut-être que j'aurais la paix pendant une petite semaine après son séjour là-bas. De toute façon, si elle continue à me les briser, qu'elle sait très bien que je n'hésiterais pas à lui recoller trois avertissements d'affilés. Et ce sera retour direct au trou ma cocotte.

Il y a les détenues qui pensent, bien souvent à tort, que la prison est ce qu'il y a de pire. J'imagine, qu'elles pensent ça parce qu'elles comparent la prison à la vie qu'elles avaient à l’extérieur. À cette vie où elles pouvaient manger des nuggets McDo, collé devant la tv, avec leur chat sur les genoux ; où elles pouvaient porter des talons hauts, sortir en discothèque et poster un statut facebook : « super soirée avec la bestah ! ».
Puis il y a celles qui, comme moi,  pensent que la prison n'est pas si mal que ça. Elles pensent ça, non pas parce que leur vie à l'extérieur était minable, non. Mais parce qu'elles comparent la prison au trou... Oui vous avez bien entendu : le trou. Ce n'est pas une légende urbaine, il existe vraiment. Celles qui n'y ont jamais foutu les pieds imaginent, bien souvent, que c'est un lieu plus ou moins identique à la prison, où l'on reste isolé pour être punis.... Mais il n'en est rien. Le trou c'est une cellule ridicule où il y fait froid. C'est des rations de nourritures, moisies, qui ne suffiraient pas à nourrir un chihuahua. C'est une banquette inconfortable et une lumière presque aveuglante qui ne s'éteint jamais. Dans le trou vous perdez la notion du temps, vous perdez la tête. Après quelques jours passé là bas vous commencerez même à entendre des voix qui ne sont plus celles de vos voisins de cellule.... bref : c'est l’enfer, sans les flammes, la chaleur et l'obscurité.

Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, ni même du nombres de jours que j'ai passé au trou, mais un gardien me pousse dans le van qui va me ramener vers la prison. Il claque la porte de la camionnette avant de grimper à l'avant, coté passager. Je reste silencieuse, croisant dans le rétroviseur le regard, presque rassurant, de la prisonnière qui va me reconduire à la prison. C'est la troisième fois que je vais au trou sans bonne raison valable. Tout ça à cause de cet enfoiré de Jarvis ! Jarvis c'est l'un des gardiens de la prison et c'est certainement celui qui m'apprécie le moins. Il n'a clairement rien de mieux à faire que de me foutre des avertissements. Oui je lui manque de respect, oui je ne peux pas me le voir et je fais courir de sales rumeurs à son sujet : mais est-ce une raison valable pour m'envoyer en enfers ? Non. On voit bien qu'il n'y est jamais allé, il ne se rend pas compte que c'est une punition totalement démesurée ! Je crache sur ses chaussures : il m'envoie au trou. Je lui met la main au cul : il m'envoie au trou (alors que je suis sur qu'il apprécie !) Enfin bref : tout est prétexte à  un avertissement qui me conduira au trou.

Après dix minutes de trajet, le van s'immobilise dans la cour de la prison et l'on me fait signe de descendre. Alors que je m’apprête à faire coulisser la portière du véhicule, je la vois s'ouvrir comme par magie devant moi, pour laisser apparaître le visage bouffi de Jarvis. Cette pourriture ce tiens juste en face de moi. Et alors que j'étais sur le point de remercier le gentleman qui mouvrait la porte, je suis soudainement prise d'un envie de lui coller mon poing dans la mâchoire (mais ça me renverrait au trou directe donc je préfère me retenir).
Il s'écarte du van pour me laisser sortir avant de lâcher l'une de ses remarques cinglantes. « Déjà de retour ? J'espère que ça t'a calmée. » Je descend de la camionnette sans dire un mot et marche ''par accident'' sur ses belles chaussures noires. J'ai vraiment des envies de meurtres quand il ouvre la bouche et je pense qu'il peut, sans difficulté, le lire dans le vert de mes yeux. J’attends quelques secondes que le gardien qui m'a sorti du trou s'éloigne, avant de me retourner ver Tarvis.  « J'suis sur que je t'ai manqué. » Dis-je un sourire en coin sur les lèvres. C'était clairement ma seule arme puisque je ne pouvais pas le frapper, ni même l’insulter. Je devais donc me contenter de le taquiner histoire de l'agacer un peu.

 

J'aurais mieux fait de me renseigner sur le tableau d'affiche de la salle du personnel pour savoir qui sortait aujourd'hui du trou à rat, soit disant pire que la prison elle-même, dans laquelle j'avais envoyé la demoiselle. La journée était vraiment trop belle, ça se passait trop bien, il fallait forcément qu'il y ait un pépin. Un pépin nommé Grey, évidement. Qui d'autre sinon ? Il est vrai qu'en ce moment, la plupart des détenues m'agacent, je ne sais pas trop pourquoi, je crois que je fais une overdose, que j'ai besoin de vacances. Mais bref. Celle-là, de détenue, à la don de particulièrement m'énerver. Toujours à me mal me parler, mal me regarder, jamais aucun signe de respect. En soit, d'autres font un peu la même chose, mais beaucoup moins ouvertement. Elle ne se gêne pas, et va même jusqu'à lancer des rumeurs à notre sujet. J'avoue que ça me dépasse. Elle doit vraiment s'emmerder ici pour n'avoir trouvé que ça à faire. Alors moi, à la longue, ça me gonfle, elle me gonfle, cette gamine, et un jour, le barrage de ma patience a cédé et j'ai tout simplement décidé de ne plus me laisser faire avec elle, voilà tout. Si elle se retrouve de plus en plus souvent au trou, c'est entièrement de sa faute, pas de la mienne. Je ne lui ai jamais mis de main aux fesses, moi. Enfin, même avant ce genre d'incident, ce n'était pas l'amour fou entre nous. Je ne l'ai jamais senti cette fille, contrairement aux autres auxquelles j'ai toujours laissé au moins une chance. Elle en a eu trop. J'ai été trop gentil dès le début, je le sais, tout le monde le sait, tout le monde le pense, tout le monde le dit. Je suis trop gentil, et ça ne m'apporte que des ennuis, surtout ici. Je soupire en la voyant avant de lui lancer une petite réplique dans la figure. Elle n'a tout de même pas l'air d'aller si mal pour une fille qui revient de "l'enfer". Enfin, à mon avis, c'est elle qui est un vrai enfer au quotidien, pour moi en tout cas. D'ailleurs, elle vient à nouveau de prouver que nous sommes très certainement les meilleurs ennemis de la prison en m'écrasant les pieds. Qu'elle sale gosse, je vous jure. Je m'empêche de lui hurler dessus en me pinçant les lèvres. Je n'ai vraiment envie de m'énerver maintenant alors que la journée se passait si bien. Surtout que là, il y aurait un collègue témoin de mon manque de patience avec elle, d'habitude il n'y a que les détenues, et comme ce sont des criminelles, personne ne les croit à part elles. Je lui lance tout de même un regard sévère lui signifiant ainsi que je prends note de son geste, mais que non, elle n'arrivera pas à me faire sortir de mes gonds pour le moment. Mais ça ne devrait pas tarder à arriver, elle a un don pour ça. Le gardien qui l'a ramenée s'en va, et elle en profite pour déclarer être sûre qu'elle m'a manqué. Je fronce les sourcils. « Ouais, tellement que je suis allé me consoler dans les bras d'une autre pendant ton absence. » Que je lâche. C'est con de ma part de rentrer dans son jeu, mais pour ma défense, c'est elle qui a commencé. Et cette réflexion est immature, mais peu importe.

Décidément c'est une bonne journée ! Je sors du trou et en plus Jarvis, mon amoureux, est là pour m’accueillir : que demander de plus ? (à manger peut-être.. je meurs de faim). Bref, Jaja note, bien évidemment, que je lui ai écrasé le pied en sortant et fronce les sourcils, comme à son habitude. (Il va finir avec une vilaine ride du lion, il ne faudra pas qu'il se plaigne!) Mise à par une légère marque blanche sur le cuire noir de ses mocassins, je suis prête à parier qu'il n'a rien senti ! Après tout : je ne suis, déjà, pas bien grosse d'habitude alors en sortant du trou, je vous laisse imaginer le squelette ! Il faut dire que leurs bouillies moisies ne sont clairement pas suffisantes pour nourrir un être humain adulte. Et oui, si vous vous posez la question : j'en ai mangé. Il arrive un moment où la faim dépasse le dégoût et où vous seriez prêt à manger n'importe quoi. Enfin, quoi qu'il en soit, qu'il souffre du passage de ma chaussure sur la sienne n'a pas grande importance : c'est le geste qui compte. Je lui ai marché sur les pieds, ça veux tout dire ! Pourtant, Jarvis reste étonnamment calme et me confit que je lui ai tellement manqué qu'il est parti se consoler dans les bras d'une autre. J'avoue qu'à ce moment j'ai envie de sourire. Cette conversation est typiquement celle que je pourrais avoir avec mon petit-copain... Enfin à quelques détails près. Ici c'était purement sarcastique et on pouvait sentir la tension qu'il y avait entre nous à dix kilomètres. Alors qu'avec mon petit-copain c'était, en général, de la plaisanterie et ça se suivait d'un câlin...
Je prend alors un air faussement contrariée. « Ça ne m'étonne pas. T'es une salope infidèle je l'ai toujours su ! » dis-je d'une voix que j'aurais voulu moins sympathique. Il ne manque plus que la petite tape dans le dos et ce bon à rien en uniforme devient mon pote. J'avoue que je regrette déjà cette remarque, et ceux pour plusieurs raisons. Déjà, le ''salope'' est de trop, il va mal le prendre et me punir d'une façon ou d'une autre. Ensuite, bien que la remarque soit déplacée (comme je sais si bien le faire) je l'ai dit presque sur le ton de la plaisanterie, comme si je voulais devenir ami avec cette ordure... Je suis certaine que même en dehors de la prison il est ennuyeux à mourir ! Alors oui : il a de beaux yeux bleu et est bien foutu. Mais je suis sure que dans un monde parallèle où je ne serais pas en prison et célibataire : je ne me retournerais pas sur lui dans la rue ! Ou alors, je me retournerais puis en l'entendant parler je préférerais partir. Je ne sais rien sur sa vie privé, mais ça ne m'étonnerais pas d'apprendre qu'il est célibataire et vie dans une petit appartement avec un chien. (oui c'est l'image que j'ai de lui...)
Bref, revenons aux choses sérieuses. Soit j'ai de la chance et le fait que j'ai eu l'air de plaisanter annule mon insulte, soit : il va en profiter pour se foutre d'autant plus de moi et me donner un avertissement....Après tout ce mec est un opportuniste, s'il trouve un moyen de me faire chier, il ne va pas le laisser passer !